C’est en juin 1811 que Colombier-Fontaine s’émeut et pétitionne contre le projet d’emprise du canal sur les terrains agricoles, la quasi-totalité de ses administrés ne vivant que du produit d’exploitation des terres, dont celles concernées.

Le village à cette époque présente la même superficie que celle d’aujourd’hui mais les constructions se limitent aux secteurs longeant le ruisseau Le Bié, entre la source de la Douve et l’actuel passage à niveau. Quelques maisons au « Graverot » et route de Saint-Maurice, un moulin dit « Moulin Rayot » au lieu-dit « La Champagnole » (actuellement rue de la Filature), c’est tout ce qui existe pour abriter quelque 345 habitants dénombrés pour environ 68 familles constituées sur le site.

Une décision préfectorale décrète que le canal Napoléon se poursuit, absorbant une partie considérable des meilleurs prés communaux et le 3 mai 1812 un arrêté du maire de l’époque, un certain Pierre Chavez, stipule :

« Considérant qu’il est urgent de prévenir les dégâts que pourraient occasionner aux travaux du canal Napoléon les bestiaux de la commune en pâturant les parties de communaux qui avoisinent cet établissement public, considérant par ailleurs que les propriétaires qui avoisinent ces communaux ont tous ensemencé et mis en valeur leurs terres, que par conséquent dans l’un et l’autre cas il importe d’empêcher les délits journaliers qui résulteraient infailliblement en continuant de pâturer les terrains susdits :

Arrête :

Article 1er : La partie de communal en nature de pâturage commun avoisinant le canal Napoléon et tout ce qui est enfermé entre ledit canal et la rivière le Doubs sur le territoire de cette commune est mis en bans jusqu’à ce qu’il soit autrement ordonné.

Article 2 : Les propriétés particulières en état de friches ou jachères situées dans l’avoisinement du canal et entre les champs ouverts ensemencés soit de froment, de blé de carême, soit de turquier, pommes de terre ou autres graines et légumes, prés artificiels,... sont pareillement mis en bans.

Article 3 : Il est défendu à tous les propriétaires de bestiaux de les faire paître dans les lieux ci-dessus mis en bans, sous les peines prononcées par la loi pour les délits ruraux. »

 

L’implantation du pont

Les travaux de creusement du canal se poursuivent et déjà le Conseil Municipal s’inquiète quant au lieu initialement choisi par le gouvernement pour implanter un pont.

D’où cette délibération en date du 15 mai 1813 sous forme de requête adressée à Monsieur le Baron, Préfet du Département du Doubs :

« Considérant qu’il est du plus grand intérêt et d’un avantage appréciable pour la généralité des habitants d’avoir un pont sur le canal pour communiquer à cette partie du territoire où le service des terres exige de se porter journellement, que cette construction de pont pratiquée au point de l’écluse n°3, près le moulin Bourlier dit Rayot, ainsi que le gouvernement l’a déterminé, se trouverait éloignée du village de plus d’un kilomètre et presque à la partie supérieure du territoire et de celle enclavée la moins considérable, sera par conséquent d’un usage très incommode pour le service de la partie supérieure, le même désagrément résulterait pour la partie supérieure si le pont se trouvait à l’écluse n°4, à l’exception que celle-ci est un peu moins éloignée, mais l’un ou l’autre de ces ponts est tout à fait d’un détour infiniment nuisible, d’où il résulterait très souvent des préjudices notoires et inévitables surtout au moment des récoltes où le cultivateur est quelque fois obligé de faire des marches forcées pour prévenir la ruine ou la perte de ses fruits.

Considérant d’ailleurs qu’en suppliant le Gouvernement de changer le point de construction en faveur de la commune en le rapprochant de son enceinte, ce qui procurerait aux habitants le moyen d’exercer le service des terres avec une facilité commune à toute la partie au-delà du canal, il convient de contribuer à une partie de la dépense qu’exigera ce changement et de se porter au surplus aux prestations en nature que pourraient exécuter les propriétaires et cultivateurs à l’égard des sacrifices pécuniaires ».

 

Nota : La commune propose alors les fonds dont elle dispose à la Caisse d’Amortissements (1700francs) auxquels s’ajouteraient les indemnités qui lui sont dues pour les fonds occupés par le canal Napoléon, soit 1561,61 francs.

Cette requête fut prise en considération puisque le pont-levis sera bien implanté au lieu revendiqué, sans d’ailleurs que soient versées les contributions financières ou prestations proposées.

L’année 1826 coïncide avec la fin des travaux sur le secteur concernant Colombier-Fontaine (environ 14 années de travaux).

 

1830, l’année des mécontentements :

Grosse colère du maire (toujours M. Pierre Chavez) et de son conseil municipal qui protestent vigoureusement contre les nuisances du canal Monsieur qui d’après eux occasionnent :

- des «gonflements» de crues d’eau du côté des lieux dits Petite et Grande Champagne.

- La diminution d’un quart des récoltes de fourrage sur les prairies proches du canal dont l’irrigation est désormais bien inférieure à ce qu’elle était auparavant.

- Le délaissé de plusieurs parties de terrain morcelées et qui ne valent plus la peine d’être cultivées.

- Des coûts correspondant aux terres d’emprunts pour compenser celles prises par le canal.

- Une augmentation substantielle des charges imposées à la commune par le tableau de répartition établi pour l’arrondissement de Montbéliard par le conseil général.

Sur quoi le conseil ayant délibéré, il a été reconnu que non seulement la commune ne devait pas subir d’augmentation de son contingent mais qu’il devait être diminué pour les motifs ci-avant invoqués…

Sans succès !

 

Les bœufs effrayés par le pont-levis

La masse imposante du pont-levis avec son système de balancier aérien pose des problèmes aux attelages au moment des récoltes. Beaucoup de bœufs se refusent à ce passage, certains de ces animaux lorsqu’ils sont au milieu du pont « reculent en arrière avec leur voiture » et souvent les propriétaires se voient dans la nécessité «bien des fois de laisser coucher une et même deux nuits de plus les récoltes en attendant que celui du propriétaire qui a des animaux d’espèces différentes ou qui passent librement sur ce pont, ait fini les siennes pour lui emprunter son bétail . . . ».

Ce pourquoi l’administration du canal est sollicitée fortement pour qu’elle établisse «un pont non levis, avec parapet et les planchers chargés de gravier . . . », Ce qui laisse entendre que le dit pont à cette époque (1836) était réputé dangereux avec son revêtement en planches qui contrastait fortement avec le chemin pierreux à chaque extrémité, de par l’absence totale de garde-corps ce qui avait déjà provoqué un accident, un attelage ayant versé au canal suite à l’affolement de ses bœufs conducteurs.

Bien évidemment cette requête ne put recevoir un accueil favorable puisque les péniches utilisant le canal ne pouvaient poursuivre leur parcours que si le pont s’effaçait.

Le revêtement du tablier pendant plus de 150 ans, continua à être constitué de poutres en bois, remplacées de temps à autre lorsque le degré d’usure était trop important.

Seule la réclamation concernant l’installation d’un parapet fut prise en considération quelques années plus tard.

 

Demande de pontonnier (1873)

Estimant que le service du pont-levis ne se fait pas d’une manière régulière « malgré l’exactitude et l’activité qu’y mettent les éclusiers des postes n° 20 et 21 chargés de ce service » le conseil municipal réclame à l’administration du canal d’installer un pontonnier au pont-levis de manière permanente.

L’établissement d’un pont sur le Doubs et d’une gare de chemin de fer à Colombier-Fontaine a augmenté considérablement l’importance du trafic routier et les éclusiers devant être présents à leurs écluses pour le passage des bateaux, puis ensuite se déplacer pour manœuvrer le pont, les édiles signalent « que ce pont souvent reste debout après le passage des bateaux et que des files de voitures se trouvent arrêtées des deux cotés et qu’il peut en résulter des accidents graves comme cela est déjà arrivé . . . »

 

Juillet 1892 — Avis favorable à la suppression de la passerelle des Neufs Prés

Le maire et les membres du conseil informent l’administration qu’ils sont d’avis de supprimer la passerelle des Neufs Prés aux conditions suivantes :

1.   Un passage à niveau muni de deux portillons sera établi pour piétons sur l’emplacement de ladite passerelle, ce passage se prolongera par un petit pont à construire sur le canal d’irrigation qui longe la voie de chemin de fer.

2.   Un autre passage à niveau identique sera également établi à environ 500 mètres en amont de la gare de Colombier avec pont sur le contre fossé du canal entre la maison dite « la Tuilerie » et l’usine de sièges Vermot, pour abréger le trajet des nombreux ouvriers qui se rendent à l’usine Méquillet Noblot et des cultivateurs propriétaires ou fermiers des prés et champs de la partie Nord du territoire.

3.   Tous les frais résultant de cette suppression et de ces créations incomberont à la compagnie P.L.M., ainsi que les frais d’entretien.

 

Janvier 1894 : garde-corps à La Raydans

Le chemin d’intérêt communal n°26 (actuellement RD 126) qui servait en même temps de chemin de halage au canal, était jugé très dangereux de par sa position immédiatement contiguë au canal.

Le conseil municipal signale que :

«.. le 15 janvier courant un marchand forain de Bussurel est tombé avec son cheval et sa voiture dans le canal... qu’en 1893, deux bouchers de Mancenans et un marchand ambulant ont éprouvé le même sort... que le sieur Boirnat, domestique à Colombier y a trouvé la mort le 31 juillet 1892... qu’enfin chaque année depuis la création du canal on a à déplorer de pareils accidents...»

Et il demande :

« ...qu’il soit établi aux frais de l’administration des garde-corps en fer sur la rive gauche du canal depuis l’écluse 20 jusqu‘au point où le chemin d‘intérêt communal n° 26 quitte le dit canal...».

Nota : Il fallut attendre jusqu’en 1912 pour obtenir satisfaction de l’administration du canal.

 

 

Une aire de jeux

Si le canal et son pont-levis ne défraient plus la chronique au-delà des années 1900 (les réclamations et récriminations sont de moins en moins nombreuses) c’est sans doute qu’avec le temps et les générations qui se succèdent l’effet privatif de son implantation sur les terres agricoles s’oublie progressivement et que des améliorations notoires sont apportées par les services de la navigation. Un pontonnier est sur place pour effectuer les manœuvres et l’entretien du mécanisme, le pont est muni de garde-corps et n’effraie plus les attelages, les rives le long de la route ont été équipées de parapets.

Mieux encore la zone comprise entre les écluses 20 et 21 est devenue un lieu de baignade pour les bons nageurs en été, et de patinage en hiver, l’épaisseur de la glace étant fréquemment supérieure à 20 centimètres.

Le pont et son balancier étaient très prisés par quelques adeptes du plongeon, suscitant l’admiration des jeunes spectateurs, trop peu aguerris pour en faire autant. Il faut dire que l’exercice était relativement périlleux tant pour grimper au sommet que pour garder le bon équilibre avant le plongeon !

Ces défoulements de la jeunesse se concentrant au même endroit fut s’en doute jugé peu sécurisant avec l’apparition de plus en plus fréquente des premières automobiles et le spectacle des baigneurs, en petite tenue ne dut pas être du goût de tout le monde puisqu’un arrêté du maire (15 juin 1945) stipula :

« qu’il était interdit aux baigneurs de se déshabiller au pont-levis du canal... l’endroit pour cette opération est fixé sur la digue, 50 mètres plus bas que la fonderie . . . »

Quelque temps plus tard la baignade y fut totalement interdite.

 

Le rafraîchissement des fondeurs

Des propos anecdotiques ne manquent pas sur le sujet.

La fonderie de l’époque 1925-1950 n’était pas un lieu de réjouissance pour les ouvriers occupés au fonctionnement du cubilot-convertisseur. Pour apaiser les corps exposés au métal en fusion il n’était pas rare (proximité oblige !) que certains compagnons « piquent une tête dans le canal » et repartent aussitôt à la tâche.

 

Le Pont saute (1944)

Avant de battre en retraite les Allemands qui occupaient le village ne manqueront pas de faire sauter l’ouvrage.

Il fallut attendre de nombreux mois avant la reconstruction du pont-levis. Un pont provisoire en bois permit de ne pas totalement couper l’accès au centre. Le conseil municipal le 11 août 1945 vota un crédit pour frais d’installation de ce pont provisoire, le classement des ouvrages et la prise en charge des frais de fonctionnement et d’entretien y afférents n’étant pas très bien défini en cette période.

 

Une épopée qui s’achève dans la difficulté

La vétusté de l’ouvrage et la volonté des décideurs d’améliorer le fonctionnement du pont-levis semblaient à notre époque ne pas devoir poser trop de problèmes en vue d’aboutir à une reconstruction devenue nécessaire.


Il fallut vite déchanter puisque le délai de réalisation prévu à l’origine aura plus que doublé, provoquant des difficultés aux usagers, au commerce local et aux habitants des quartiers du nord du village… Malgré ces quelques désagréments nous sommes heureux aujourd'hui d'avoir un pont-levis neuf.

 

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